(Photo Tomas Jeusset)

À 18 h 30, ce samedi 4 février 2023, les lumières s’éteignent une à une et plongent la salle des Cadets de Bretagne dans la pénombre. Seule rescapée de l’obscurité, une cage, au centre, baigne dans la lumière des projecteurs et attire le regard des quelque 1 000 personnes venues assister au spectacle. Après l’artifice des présentations, les premiers des 24 combattants de la soirée s’engouffrent dans l’octogone et un silence soudain s’installe. Un silence furtif, inattendu, que seuls les coups portés réussissent à briser pour de bon. L’atmosphère se charge alors d’excitation et les encouragements fusent depuis les gradins au rythme des impacts. Le show de l’AEF Championship est de retour et la deuxième édition de son gala de MMA s’annonce dantesque !

.

> L’AEF et l’ambition du MMA à Rennes

De gauche à droite, Mathys Duragrin, Eliot Geoffray, Willy Sirope et Lamp Touré lors de la conférence de presse du vendredi 3 février au Roazhon Park. (Photo par Tomas Jeusset)

L’AEF Championship est une organisation de MMA amateur fondée en 2022 par l’ancien champion du monde de jiu-jitsu brésilien, Willy Sirope. Le 24 septembre dernier, le Rennais d’adoption avait organisé la première édition de son évènement dans la capitale bretonne. Fier du succès de l’AEF 1, il affichait un grand sourire vendredi lors de la conférence de presse tenue dans le cadre luxueux du Roazhon Park. Willy Sirope est alors revenu sur la création de son organisation et sur la ferveur suscitée par cet évènement précurseur pour le MMA à Rennes : « Ce qui m’a motivé à créer l’AEF Championship, c’est d’abord la passion pour les sports de combat. Je souhaitais populariser le MMA dans le grand Ouest et mettre en lumière les combattants amateurs et semi-pros de ma ville. Au départ, nos objectifs étaient relativement modestes, mais il y a eu un superbe engouement autour de l’AEF 1. Tous les billets étaient vendus deux mois avant l’évènement, ça a été un véritable succès ! Tout s’est bien passé donc on a voulu répéter l’aventure. Aujourd’hui, l’ambition, avec l’AEF, c’est de devenir un acteur majeur de la scène MMA française. »

L’AEF est ce qui se fait de mieux pour de l’amateur en France

Ismael Niang

Malgré la jeunesse du projet, l’AEF Championship compte déjà parmi les plus importantes organisations amateurs de la discipline dans l’hexagone. Portée par l’ambition de son créateur, la deuxième édition du gala s’est attachée à offrir les meilleures conditions possibles aux athlètes. Une volonté de professionnalisation louée par de nombreux combattants et invités de l’évènement : « Franchement, l’AEF est ce qui se fait de mieux pour de l’amateur en France. Ils nous mettent dans des conditions professionnelles, ça nous permet de nous acclimater aux feux des projecteurs et de nous préparer doucement pour notre carrière pro. Grand respect à Willy Sirope et à tous ces gars, parce qu’ils ont fait un truc de fou. » Ismael Niang combattant de l’AEF 2 et gérant de la page Twitter Pugilat sur le MMA. « C’est super bien organisé. Par exemple, là, pour la pesée, on est au Roahzon Park et c’est génial. Je trouve que Will (Willy Sirope) et l’AEF se démarquent de la plupart des autres organisations régionales. » Jonatan Machardy, membre de l’After Foot, du podcast RMC Fighter Club et combattant lors de l’évènement. « Je trouve que l’organisation de l’AEF très professionnelle. Pour des combats amateurs, c’est vraiment super, ça donne la chance aux jeunes de comprendre ce qui les attendra en professionnel, de se mettre dans le bain dès le début de leurs carrières et surtout de leur permettre de se faire plaisir. » Benoît Saint-Denis, parrain de l’AEF 2 et combattant français de l’UFC. « Franchement, rien à dire. Pour moi, c’est même mieux organisé que certaines ligues pour les pros. Sincèrement, c’est le top du top de ce qui se fait en amateur ! Ils nous payent l’hôtel, on a le droit à de vraies conférences de presse, on a de très bonnes conditions pour combattre, je me suis senti comme un poisson dans l’eau ici. Le public était incroyable, Willy a été au top, toujours à l’écoute, tout le staff était aux petits soins avec nous, il n’y a rien à redire ! » Mathys Duragrin, nouveau champion des -70kg de l’AEF Championship.

L’entrée du combattant breton, Damien Bazec. (Photo par Tomas Jeusset)

.

.

> Une discipline accablée de préjugés

Bastien Esposito (à gauche) affronte Luka Gabellia (à droite). (Photo par Tomas Jeusset)

Le MMA est une discipline récente en France. Légalisé depuis seulement 3 ans, ce sport est trop souvent réduit à la simple « violence » de son spectacle. Pratiqué dans un octogone cerné de grillages, le Mixed Martial Art ou Arts Martiaux Mixtes est volontiers décrit comme une bagarre de « gros bourrins » qui se martyrisent à coup de pied et de poing jusqu’à l’abandon de l’un d’entre eux. Spectaculaire, populaire et exigeant, le MMA s’éloigne peu à peu de ces préjugés en séduisant spectateurs et pratiquants grâce au compromis qu’il offre entre différents arts martiaux (boxe, jiu-jitsu, judo, karaté, kickboxing, lutte, muay-thaï, etc.).

Il faut se retirer de la tête que c’est un sport de dégénérés et de voyous ! 

Jean-Jacques Menuet, médecin de l’AEF 2

Pour entrer dans la cage et se défaire de leurs adversaires, les combattants doivent être un peu fêlés, c’est vrai, mais ils doivent surtout maitriser des techniques de combats variées au sol ou debout. Très codifié et plus complexe qu’il n’y parait, le MMA offre un spectacle nuancé et attrayant. Le médecin de l’AEF 2, Jean-Jacques Menuet, déplore d’ailleurs les clichés qui accablent la discipline : « Je suis dans la boxe anglaise depuis près de 25 ans et je suis très surpris de voir le professionnalisme de ce sport. Je me suis rendu compte qu’il y avait moins de casse dans cette discipline que dans la boxe. En effet, par rapport à la boxe anglaise où les gars se mettent des pains debout, en MMA une bonne partie des coups sont portés lorsque les combattants sont au sol et donc l’amplitude des coups est moindre. Le MMA ne me parait pas si dangereux que cela, en tout cas, c’est moins dangereux que ce que le grand public en pense. Il faut se retirer de la tête que c’est un sport de dégénérés et de voyous ! Pour moi, c’est une discipline complète sur le plan physique et mental. » Loin de l’image dangereuse à laquelle on l’associe par habitude, le Mixed Martial Art s’est construit sur les valeurs nobles des arts martiaux qu’il rassemble. Willy Sirope défend d’ailleurs le respect comme la pierre angulaire de ce qu’il propose avec l’AEF Championship « Nos athlètes se sont entrainés pendant plus de 3 mois pour s’affronter dans la cage, mais vous allez voir, et c’est aussi important de le dire, une fois le combat terminer, ils vont se prendre dans les bras. C’est ça le respect et l’amour de la compétition, avant de commencer, il faut tout faire pour gagner, mais dès que l’arbitre donne sa décision, on la respecte et on reste bons copains avec l’adversaire. »

Mathys Duragrin motivé par ses coachs de la Old School Academy. (Photo par Tomas Jeusset)

.

.

> Les Combats de la soirée

Sébastien Stein, arbitre des 12 combats de l’évènement. (Photo par Tomas Jeusset)

Willy Sirope nous l’avait promis lors de la conférence de presse de la veille « Vous allez vivre une expérience de dingue ! On vous promet un show à l’américaine. 9 Bretons sont présents sur la carte, ce qui est une fierté pour nous. On essaye d’offrir une belle tribune pour les combattants amateurs locaux. On aura aussi des guests-star de renom comme Salahdine Parnasse (double champion du KSW), notre parrain Benoît Saint-Denis qui est combattants à l’UFC (et qui a combattu à l’UFC Paris) et Abdoul Abdouraguimov dit The Lazy King (double champion de l’Arès). Notre speaker sera aussi de qualité puisque Sébastien Loew nous fera l’honneur de diriger le cérémonial. » Ce samedi, brillante au milieu de l’obscurité de la salle des Cadets de Bretagne, la cage cernée de grilles devient donc le théâtre de 12 combats de 3 rounds. Accueillis par de la musique et par des gerbes de lumières, les premiers combattants s’avancent. Sur le chemin qui mène à l’octogone, les silhouettes de Théo Murris et Christopher Marquez se dessinent l’une après l’autre à travers la fumée. Soudain, ils se tapent dans les gants et le spectacle commence. Marqué par une forte dominante de grappling, soit une combinaison de lutte et jiu-jitsu brésilien dont l’objectif est de contrôler son adversaire au sol, la lutte est acharnée. Au terme des 3 rounds, l’arbitre, M. Stein, lève le bras de Théo Murris et le déclare vainqueur par décision des juges.

Illustration des phases de grappling (combat au sol) en MMA. (Photo par Tomas Jeusset)

L’importance du grappling (techniques au sol) se retrouve tout au long de cet AEF 2. Dans cet octogone entouré de grillages, Rémi Bourgois se défait de Louis Banhiet, Corentin Perrutelet bat Fatih Tiroglu et Anass El Mahi remporte son duel contre le valeureux Ismael Niang. Sébastien Loew, speaker habitué aux grandes organisations de MMA et ancien champion d’Europe de Pancrace, nous a d’ailleurs confirmé le niveau élevé de l’AEF pour une compétition amateur : « J’ai pris un plaisir énorme ! Le public était très réceptif et les combats étaient de très bonne qualité. On voit que le MMA a bien évolué en France cette année. On a un vivier de combattants incroyable dans le pays. Cette deuxième édition de l’AEF est vraiment impressionnante, que ce soit au niveau de l’organisation ou dans la cage. Franchement, j’ai passé une très bonne soirée. » Les 4 premiers combats (carte préliminaire) sont allés à leurs termes. Séduit par ce spectacle inhabituel à Rennes, le public encourage les athlètes dans une ambiance de plus en plus festive.

Damien Bozec, combattant local et l’un des chouchous du public, remporte le combat par soumission dans le second round face à Cédric Menereuilt grâce à une soumission bras-tête. (Vidéo par Tomas Jeusset)

.

La carte de l’AEF 2 se poursuit avec l’affrontement entre Sébastien Faurant et le chroniqueur de RMC, Jonatan Machardy. Le journaliste annonçait la veille « Je le termine ! Gentiment, mais je le termine. Nan, c’est horrible (rire). Avec ma petite notoriété, je sais que beaucoup de gens vont regarder en espérant que je me fasse déboiter. Quand tu es entre guillemets « connu », tu prends le risque de t’exposer là où on ne t’attend pas et d’être ridicule. J’ai conscience que c’est risqué, mais c’est le jeu. » Loin d’être ridicule, Jonatan Machardy s’impose dès le 1er round sur une kimura et marque le premier finish de la soirée avant la limite

Jonatan Machardy place sa kimura contre Sébastien Faurant et gagne le combat. (Vidéo par Tomas Jeusset)

.

La soirée défile à un rythme effréné et les combats se succèdent. Fallou Diop s’impose à la décision des juges face à Eliot Geoffray. Le vaincu accepte la défaite avec classe et déclare après le combat « J’ai kiffé, même si ça a été un peu compliqué pour moi parce que j’ai été mis au courant du combat seulement 8 ou 10 jours avant l’évènement. En vrai, il y a eu une nette progression par rapport à mon premier combat. Je pense avoir mieux appréhendé mon adversaire et l’évènement. J’ai pris énormément de plaisir. J’ai fait un bon combat, malgré la défaite, je suis content. » Puis, sous les applaudissements d’un public conquis, l’un des affrontements les plus attendus de la soirée se profile. Le duel entre Lamp Toure, qui avait gagné son combat lors de l’AEF 1, et le nouveau Malik Abdouraguimov, petit frère d’Abdoul Abdouraguimov (double champion de l’ARES). Très impressionnant, le combattant d’origine daghestanaise, Malik Abdouraguimov montre toutes ses qualités au sol et s’impose dès le 1er round en soumettant Lamp Toure d’une clé de genoux.

Début du combat attendu entre Lamp Touré et Malik Abdouraguimov. (Vidéo par Tomas Jeusset)

.

.

> Les Main Events

Thomas Murris avant la reprise de son combat. (Photo par Tomas Jeusset)

Aux alentours de 23 h, les deux main events (combats les plus importants) clouent le spectacle. D’abord, deux spécialistes de la discipline, Kouroufia Conte contre Khusein Bataev (tous les deux invaincus) s’affrontent pour la ceinture middleweight (-84kg). Très engagé, ce duel dévoile les belles capacités en grappling des deux combattants. Khusein Bataev soumet Kouroufia Conte sur une guillotine et devient le 1er champion middleweight de l’AEF Championship.  

Enfin, le dernier combat de la soirée oppose Thomas Murris, qui a remporté la ceinture des lightweight (-70kg) lors de la première édition de L’AEF, à Mathys Duragrin, grand espoir du MMA français. Le premier round est dominé par Mathys Duragrin, qui contrôle son adversaire au sol. Imbattable, Mathys Duragrin parvient à s’imposer sur son adversaire via ground and pound, une série de coups portés à son adversaire quand celui-ci est au sol. Le parisien célèbre son titre de nouveau champion des -70kg de l’AEF Championship dans les bras de ses coachs, de ses amis et de proches. Sous les applaudissements du public, une émotion contenue se lit sur son visage quand il décide de parachever sa belle victoire en dédiant sa ceinture de champion à son père. « Le public rennais est incroyable ! Je ne suis pas d’ici, j’ai juste mes grands-parents, les parents de ma belle-mère, qui habitent dans la région et je leur fais un gros bisou d’ailleurs. Sincèrement, je ne connais pas les Rennais et j’ai eu l’impression d’être chez-moi grâce à eux. Un grand merci aux gens qui sont venus, c’est le meilleur public que j’aie pu voir jusqu’à maintenant. » 

Mathys Duragrin finit son adversaire en ground and pound et devient le nouveau champion des -70kg de l’AEF Championship. (Photo par Tomas Jeusset)

.

.

Le retour de l’AEF 2 est un succès. L’engouement et la passion suscités par cet évènement marque le triomphe du MMA sur les terres bretonnes. Une discipline noble, loin de l’image à laquelle on l’associe par habitude. Un sport fait d’exploits éphémères au goût de légende. Un art martial qui se fait peu à peu une place dans le paysage sportif français. Alors, une chose est sûre, à Rennes, le MMA et l’AEF ont trouvé leur public. « C’était super, l’ambiance était folle grâce au public, les combats bien équilibrés, je pense qu’on monte encore d’un niveau avec l’AEF. Tout s’est bien passé, le travail avec la fédération et la sécurité par exemple a permis d’assurer un super show et de faire que les gens se sentent à l’aise. On a commencé dans une salle de 450 personnes, aujourd’hui, on était 1 000 et la prochaine fois, il y aura jusqu’à 4 500 places. On y va étape par étape, mais vu tout l’engouement qu’il y a eu, on se doute qu’il y a un truc à faire avec l’AEF 3. Le 14 octobre à la Glaz Arena on va remettre ça et on a hâte. » Willy Sirope.

Willy Sirope, créateur de l’AEF. (Photo par Ewa Ent)

Article de Tomas Jeusset et Guillaume Dubois (Le P’tit Rennais).

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *