Une photo de Lionel Bonaventure pour l’agence AFP.

> Passion et Engouement :

Passion et Engouement sont les mots qui selon moi décrivent le plus justement le « Roi des sports », le football. Ce sport populaire par excellence qui réussit à déplacer des foules immenses et à déchaîner des nations entières. Dans un match de football, les cris des fans s’accordent aux tremblements des filets pour combler des stades entiers. Là, les joueurs, sous forme de héros modernes, se font pardonner leurs frasques excentriques en jouant de leurs « pieds magiques ». Aujourd’hui, les footballeurs ne sont plus seulement des figures locales, n’éblouissant que les gens qui avaient les moyens d’aller les voir jouer. Mais, grâce à la télévision, ils sont devenus des icônes admirées par des millions de téléspectateurs qui regardent les mêmes matchs au même moment, qui vibrent pour les mêmes actions et qui restent éveillés grâce à cette passion commune. Sur le carré vert, les nations et les villes, confrontent entre elles leurs rivalités sportives et chaque Barça-Réal, chaque River Plate-Boca Junior (etc.) deviennent les théâtres d’affrontements passionnés. Le monde du football est un exutoire qu’il serait dommage de ne pas considérer ; ici, on se chambre allégrement, on s’insulte même parfois, on revendique son appartenance à un seul club et on cultive son chauvinisme. C’est un endroit étrange où rien n’a vraiment d’importance, mais où tout compte, où rien n’est grave jusqu’à ce que l’on gagne ou que l’on perde.

Mon but ici n’est pas de démontrer la nécessité de regarder du foot ni même de l’apprécier. Cependant, chacun reconnaîtra que le football possède sa propre mythologie, sa propre histoire, remplie de matchs mythiques qui résonnent dans la tête des supporters comme des « batailles mémorables ». L’histoire de ce sport aux racines populaires a été marquée par des légendes intemporelles et inaccessibles, adulées par leurs fans et connues même des néophytes. Zidane, le roi Pelé, Maradona, Messi… sont autant de légendes qui ont marqué de leur empreinte l’évolution de ce sport. Mais le football, aussi populaire et aimé soit-il, reste un reflet de la société qui fait miroiter à chaque homme une possibilité d’accéder à la gloire et à la richesse.

Photo de Gaël Cornier.

> Une injuste vitrine :

Toutefois, c’est dans son image que réside sa plus grande faiblesse. En effet, le football est un reflet de la société et, n’en déplaise à ses détracteurs, il est parfois même la vitrine de celle-ci. Sa faiblesse réside donc dans le fait que ce sport ait été créé par des hommes et pour des hommes, laissant allégrement de côté la gent féminine. Pour être parfaitement honnête, cela ne me dérange que depuis peu, car j’avoue ne jamais m’être vraiment posé la question avant. Le foot n’était pour moi qu’un sport qui limitait son impact au plaisir qu’il m’apportait. Évidemment, en grandissant, je me suis rendu compte que le football n’avait pas qu’une portée sportive, mais aussi politique et sociale. Après que cette révélation m’ait frappé, comme elle avait frappé beaucoup de gens avant moi, mon regard sur la discipline qui avait bercé mon enfance changea. Bien que je suivais le foot féminin depuis longtemps, la coupe du monde féminine de 2019 fut pour moi un déclencheur, car si effectivement le football est la vitrine de la société, il est incompréhensible, inadmissible même, que ses héros soient exclusivement masculins. Une réflexion évidente pour beaucoup, mais personnellement, j’ai dû attendre la Coupe du Monde féminine de 2019 pour, enfin, voir apparaître au panthéon de mes héros des femmes qui jouent au football.

Le foot féminin m’a intéressé, pendant cette courte période, avec autant de passion que si cela avait été du foot masculin. Je peux maintenant, très sincèrement, donner mon avis sur l’autre facette de l’un de mes sports favoris (sans me prétendre spécialiste, loin de là). J’ai été conquis par la volonté générale de proposer un jeu offensif et du spectacle. Lorsque leurs homologues masculins prônent, la plupart du temps dans les compétitions internationales, un jeu défensif et aseptisé basé sur la possession à outrance (parfois stérile) qui s’oppose souvent à une défense très basse (cf. matchs de la poule de l’équipe de France à la coupe du monde 2018), les joueuses de la coupe du monde 2019, comme les Américaines ou les Françaises par exemple, ont développé du jeu vers l’avant basé sur la verticalité, sur la volonté d’exploiter les espaces tout en proposant du spectacle et des buts. Néanmoins, il subsiste encore certaines lacunes, notamment d’un point de vue physique. Aujourd’hui le niveau physique des joueuses est encore inférieur à celui des hommes, on peut observer des différences physiologiques inévitables qu’il ne faudrait pas minorer sous couvert d’une bien-pensance mal placée. Ces différences bien réelles sont habituellement expliquées par les simples lois de la nature et il serait fou de les remettre en cause. Malgré tout, il existe d’autres raisons qui peuvent expliquer la différence de niveau entre les footballeurs et les footballeuses. Des raisons bien plus importantes que les premières puisque cela peut aussi se comprendre par le simple fait que le football féminin soit largement moins professionnalisé que le football masculin. Les infrastructures et les moyens qui leur sont alloués ne sont clairement pas à la hauteur des ambitions d’athlètes professionnels. Un manque de professionnalisme qui a notamment été critiqué par Ada Hegerberg, la première ballon d’or féminin de l’histoire, lorsqu’elle a déclaré :

« Si l’équipe nationale veut atteindre les objectifs et les résultats que l’encadrement a fixés, ça nécessite, selon moi, des améliorations dans plusieurs domaines, à la fois dans la planification, dans l’exécution et dans le suivi »
« J’ai vu comment ça se passe avec la Fédération norvégienne, il y a un fonctionnement que je n’accepte pas, justifie-t-elle encore aujourd’hui tout en assumant son choix. Ce n’est pas la Coupe du monde le plus important : il y a des choix difficiles à faire dans une carrière, j’aurais aimé jouer pour mon pays mais, si tu es sûre de toi et de tes valeurs, tu peux assumer ces sacrifices. On a encore du travail à faire pour le développement du football au féminin. »

Dans ce contexte, l’attaquante de l’Olympique Lyonnais n’avait pas souhaité participer à la coupe du monde en signe de protestation envers le manque d’investissement de sa fédération (norvégienne).

Photo de Franck Fife pour l’agence AFP.

> Le Foot Féminin, ses héroïnes et son acension :

Enfin, pour conclure sur une note positive, le football féminin n’est qu’au début de son ascension, il se développe et se démocratise peu à peu dans un contexte où tout est en effervescence, ce qui le rend excitant à suivre. Ce nouveau reflet de la société propose des joueuses aussi fantasques que compétitrices, un savant mélange qui renforce encore la hâte que j’ai d’assister à l’écriture de leurs mythologies. Amandine Henry, Alex Morgan, Eugénie Le Sommer, Marta, Ada Hegerberg, Megan Rapinoe… sont autant de légendes que je commence à apprivoiser et aimer voir défendre leurs couleurs. Le football féminin a beau être différent du football masculin, une chose est sûre, si les femmes jouent au foot, elles réussiront. Elles réussiront à déplacer les foules, elles réussiront sans l’ombre d’un doute à faire chavirer les stades au rythme des filets qui tremblent. Elles réussiront, enfin, car dans le roi des sports, c’est le talent qui domine, sans distinction.